Publié le 28 mars 2023
La tendance en Occident, depuis le début de l’ère industrielle, a été de faire dévier la médecine, de plus en plus, vers une science chaque jour davantage technologique. Les soignants deviennent des techniciens froids qui appliquent des protocoles standardisés. L’aspect sensible du rapport humain entre un malade et celui qui lui prodigue des soins tend à être expulsé de la relation médicale. Bien sûr, de nombreux soignants continuent de soigner avec humanité, mais la tendance lourde est là et d’ici une génération, le lien humain pourrait bien avoir tota-lement disparu.
Pourtant, la main du médecin soigne bien souvent beaucoup plus que le remède lui-même. Le fait, quand on souffre, d’être écouté est déjà un soulagement. L’auscultation et les examens obligent à un contact et ce contact n’est-il pas déjà le premier pas sur le chemin de la guérison ? Comme la main droite prend soin de la main gauche par le toucher empathique, dans la sensibilité, le médecin prend soin aussi par son toucher.
Alors, pourquoi donc le contact sensible du soignant et du malade ne sont plus automatiques ? Expliquer cette perte du sensible par le seul développement technologique est sûrement un raccourci qui empêche de trouver la racine de la défiance actuelle envers tout ce qui tient du sensible.
Car la médecine moderne ne cherche pas seulement à être scientifique, elle veut devenir une science dure, exacte, mécaniste et mathématique. À un symptôme doit correspondre un remède et ce remède doit suivre un protocole contrôlable, quantifiable, mesurable.
Pourtant, chaque être est particulier, chaque organisme est différent et chaque histoire est singulière. La médecine, si elle veut être une science - ce qui est discutable - doit être une science humaine, une science de l’Homme.
La santé doit être prise dans sa dimension intégrale et holistique. Nous ne sommes pas uniquement une collection d’organes ou de cellules qu’il faut traiter, mais une interdépendance corps- souffle-esprit. De plus, comme tout être vivant nous sommes des êtres doués de sensibilité et cette sensibilité est un aspect primordial de notre vie humaine. Tous les animaux sont sensibles, mais l'homme, plus que tout autre être du règne animal, s’est développé par sa sensibilité. Tout ce que l’homme a développé de plus grand - arts, spiritualité, philosophie et même la science - est né de sa sensibilité.
Prendre soin de sa santé et de la santé de l’autre passe par la nécessité de se connaître et de connaître l’autre. Or, on ne peut se connaître soi et connaître l’autre que par l’intermédiaire du sensible. Nous ne nous connaissons que parce que nous nous voyons, nous nous sentons, nous nous touchons ou nous nous entendons. Nous connaissons l’autre uniquement parce que nos sens nous apprennent quelque chose de l’autre. Les signaux que nous envoie notre corps pour nous dire si nous sommes en bonne santé ou malades ne sont rien d’autre que des signaux sensibles.
La sensibilité en santé ouvre aussi à la considération du sens des maladies et des désordres. Qu’est-ce qui fait que l’on va développer telle ou telle pathologie ? Pourquoi a-t-on mal ici plutôt que là ? Toutes ces questions sont souvent éludées en médecine moderne.
Une santé du sensible est une santé qui appelle à écouter profondément la personne et à la sentir dans toutes ces dimensions. Mais cela demande d’abord de pouvoir s’abstraire de ses propres filtres mentaux de jugements et de préjugés qui viennent voiler l’expérience sensible directe. Le soignant doit donc progressivement apprendre à se connaître lui-même, reconnaître les signaux sempiternels que lui envoie son corps pour pouvoir développer l’empathie nécessaire à une médecine sensible.
Et là, on en revient au lien entre spiritualité et santé, car ce chemin n’est autre qu’un chemin de connaissance de soi et de reconnaissance de l’autre. Il peut alors se développer une sorte de communion entre celui qui souffre et celui qui prend soin.
Vous l’avez sans doute compris, nous prônons une santé qui prenne soin du sens et des sens dans toutes les acceptions du mot. Redonner du sens à la santé en nous réconciliant avec notre sensibilité. Cette approche de santé-là a certainement plus d’avenir que la médecine technologique car elle est désirable.
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